et le monde a perdu sa couleur, sa saveur.

Papa est mort. Le téléphone a sonné. Sade était effondrée. Maman restait silencieuse. Il m'aura fallu de longues minutes pour comprendre, pour faire parler Sade. Et quand j'ai enfin lu dans ses yeux ce qu'elle n'arrivait pas à expliquer, c'était comme si le monde autour de moi s'écroulait. Je n'ai jamais aimé papa, parce qu'il était dur, parce qu'il ne laissait rien paraître. Mais au fond, je savais bien qu'il nous aimait. Je savais que ce n'était pas un homme expressif. Nous étions sa vie, il était la nôtre. Depuis ce coup de fil ravageur, plus rien n'avait bougé dans la maison. C'était comme s'il ne l'avait jamais quittée, comme s'il était encore là, parmi nous. Mais cette tension extrême, Sade ne la supportait visiblement plus. Elle avait décidé de partir, de nous abandonner. Ce soir-là, un silence de mort régnait à table, comme d'habitude. Quand ses quelques mots sortirent de sa bouche, j'ai cru que mon coeur s'était arrêté. « Je pense partir. » Je lâchais mes couverts dans un bruit de métal qui s'entrechoque. « Pourquoi tu veux partir ? » C'est tout ce que j'arrivai à sortir. La colère succéda à la surprise. Comment pouvait-elle s'en aller maintenant ? Comment pouvait-elle nous abandonner elle aussi ? Elle comptait partir pour l'Alaska. De Miami à l'Alaska, combien de kilomètres de distance, combien de degrés de différences ? Sade avait toujours été un peu rêveuse, mais cette idée me paraissait tellement ... si peu ... Sade. Seulement, trois jours plus tard elle était partie. J'avais sous-estimé la volonté de ma soeur de fuir son passé. Mais elle avait bien raison. Des mois après son départ, je ne m'en étais toujours pas remise. Je traînais dans la maison, passant souvent devant sa chambre vide désormais. Elle me manquait, elle me manquait cruellement. J'avais besoin d'elle plus que je ne l'aurais imaginé. Et puis un jour, à une des ces soirées trop arrosée, j'ai accepté ce verre de cet inconnu. Le lendemain matin, la tête qui me brûlait, j'avais beau chercher comment j'étais arrivée dans cette chambre délabrée, je ne me souvenais plus de rien. Et puis j'ai revu ce mec, des dizaines de fois. Il m'a tout fait goûter : les clopes, l'herbe, le shit, l'héroïne, l'extasy et j'en passe. Avec lui j'étais bien, avec lui j'existais. Je fuyais la maison, devenue sinistre depuis le départ de Sade. Ce mec je croyais qu'il me faisait du bien alors qu'en fait il me détruisait. Il m'a poussé à voler pour lui, parce qu'il n'avait plus assez de fric pour se payer du crack. Alors, amoureusement aveugle, je l'ai écouté et j'ai foncé dans cette boutique avec le flingue qu'il m'avait donné. Quel lâche ... Quand tout a mal tourné et que les flics sont arrivés, il est parti. Il m'a laissé seule au commissariat à expliquer aux policiers que je ne voulais pas tuer cet homme. Comme je n'avais encore rien volé, que j'étais mineure et que le commerçant n'a pas porté plainte, je m'en suis sortie avec un simple avertissement. Mais pour maman, c'était différent. Elle n'en pouvait plus de mes sorties tardives, de mes problèmes et de mes fréquentations douteuses. Alors elle me vira de la maison. Le seul point de repère qu'il me restait, c'était Sade. Elle avait dû se construire une nouvelle vie depuis son départ, mais elle était la seule famille qui me restait. Et puis elle me manquait trop. Elle était partie depuis trop longtemps. Alors je fis mes bagages et quittai la maison le lendemain. Je pris le volant de ma voiture et quitta Miami sans un regret. J'arrivai quelques jours après à Anchorage. C'était mignon comme ville, mais il y faisait un froid de chien. Je demandai mon chemin aux passants. Ils étaient plutôt aimables, ça changeait de Miami ! À l'accueil de l'hôpital, je fis demander Sade Moriarty. On m'assura qu'il était impossible de la voir, mais je savais bien qu'ils mentaient. Je piquai alors une crise comme je savais si bien le faire et Sade fût là quelques minutes plus tard. Ce que c'était bon de la revoir !

Un superbe choix de scénario !
Bienvenue sur Stereo Hearts, je suis certaine que Sade va te dorloter alors je n'ai plus qu'à t'ordonner te souhaiter de t'amuser !